La notion de berger urbain vient du constat de l’enclavement et de la diminution générale des espaces agricoles, en appréhendant désormais la ville comme le futur territoire possible de l’agriculture. Elle naît aussi du constat de l’importance conséquente des surfaces créées par le développement urbain qui n’ont pas d’usages ou de fonctions particulières et qui posent des problèmes d’entretien conséquents (espaces extérieurs des zones industrielles ou zones commerciales, parcs urbains, délaissés, bords d’autoroute, etc.).
Nous avons essayé de développer cette notion à partir de 2007 à travers quelques expérimentations. Dans le cadre du symposium du vivant en 2007 organisé par le Grand Lyon nous avons proposé de faire pâturer en collaboration avec Thomas Hanss (paysagiste) le Parc de Gerland à Lyon. Environ 80 brebis encadrées par un berger urbain ont pâturé pendant une journée le parc. Le but était d’interpeller sur l’importance des surfaces urbaines pouvant devenir des potentiels productifs. L’apport de ce troupeau dans le parc a permis une cohabitation ponctuelle entre une activité agricole provisoire et mobile et les usagers habituels du parc.
Dans ce prolongement nous avons essayé la mise en place plus longue de quelques brebis dans un autre environnement urbain, celui du quartier d’Empalot à Toulouse en partenariat avec l’association « entrez sans frapper ». Des brebis ont été mises d’avril à juillet pour valoriser les espaces extérieurs d’un centre social en bénéficiant également des clôtures existantes du site. Elles ont également pâturé d’autres espaces proches enherbés et peu utilisés. Un habitant du quartier était indemnisé pour en effectuer la surveillance quotidienne, accompagné par l’agriculteur extérieur à l’agglomération propriétaire de ces brebis.
Si ces expériences étaient permises par l’apport de troupeaux extérieurs sur des durées ponctuelles, l’enjeu serait cependant de pouvoir installer des bergers à l’échelle d’agglomérations urbaines. L’intérêt des troupeaux (et notamment les troupeaux ovins) étant d’être facilement mobiles et de pouvoir effectuer des transhumances urbaines. Ces troupeaux conduits par ces bergers urbains permettraient de valoriser l’ensemble de ces délaissés en étant dans une logique productive et non uniquement d’entretien de ces espaces. Ces bergers peuvent soit être installés en tant qu’agriculteurs individuels (s’ils disposent de baux solides et ont la capacité d’investir dans la mise en place de bâtiments agricoles ou si des bâtiments agricoles financés par les collectivités peuvent leur être mis à disposition), soit être employés directement par des collectivités ou des associations. Leur mise en place suppose une analyse précise des terrains publics ou privés dont ils peuvent bénéficier, de leur nature, leur surface, et implique de définir un projet d’exploitation détaillé (en analysant les circulations possibles, les mouvements des troupeaux, etc.).
Il convient également de prévoir la création de bâtiments (bergerie, logement de l’éleveur devant être à proximité, stockage matériel, aliment et fourrages), en analysant la possibilité que les fourrages puissent être produits au printemps sur les parties mécanisables des pâturages. Des bâtiments délaissés peuvent être utilisables pour ces usages, la maîtrise foncière à la fois des bâtiments mais aussi des surfaces de l’essentiel des pâturages et des espaces de fauche est importante pour assurer la pérennité et la transmission de ces systèmes. Les bergers urbains peuvent enfin permettre par des conventions plus simples de valoriser les nombreuses surfaces urbaines peu utilisées (espaces extérieurs des zones commerciales ou industrielles, bords de routes, etc.).